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« Pollux NC »: Un projet pour évaluer la pollution lumineuse en Nouvelle-Calédonie

La pollution lumineuse est une pression environnementale peu étudiée en Nouvelle-Calédonie, bien que susceptible d’engendrer des perturbations du rythme biologique pour les plantes, des animaux et des êtres humains. En tant que hotspot de la biodiversité mondiale, les enjeux de conservation sont pourtant majeurs sur ce territoire.

BEST 2.0+ a été très heureux d’accorder à l’Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie (OEIL) une subvention en juillet 2021 pour mettre en œuvre le projet « Pollux NC ». Son objectif : fournir les premières informations quantifiées sur la pollution lumineuse à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie, et émettre des recommandations scientifiques pour sa prise en compte dans les politiques publiques.

Le projet Pollux est actuellement dans sa dernière phase d’analyse et d’interprétation des données collectées, avant d’en restituer les résultats à la fois aux acteurs de l’environnement de Nouvelle-Calédonie mais aussi au grand public.

Source: Nouméa la nuit – © OEIL 2021

Pourquoi étudier la pollution lumineuse en Nouvelle-Calédonie?

Les enjeux de conservation sont majeurs dans ce territoire du Pacifique Sud qui fait partie des 35 hotspots de la biodiversité mondiale: des taux d’endémismes pouvant atteindre 80 % sur les plantes, plus de 90 % pour les lézards, 6 sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, 1 site labellisé à la convention Ramsar sur les zones humides. Pour autant, aucune caractérisation du phénomène à l’échelle du pays n’a encore été faite, et la dernière carte du World Atlas, peu précise, datait de 2015.

«Notre rôle en tant qu’observatoire est notamment de décrire les pressions environnementales qui s’exercent sur les écosystèmes calédoniens, évaluer leurs impacts et dire quelles réponses sont apportées ou pourraient l’être », précise Anne Lataste, responsable communication scientifique de l’OEIL. «Face à l’urbanisation croissante et à l’existence de sites industriels et miniers éclairés 24h/24, les émissions lumineuses constituent une préoccupation environnementale qui mérite d’être mieux connue pour être gérée durablement».

Le président de la Société Calédonienne d’Ornithologie, David Ugolini confirme : «La pollution lumineuse est un problème que l’on connaît bien à la SCO par rapport à ses effets néfastes sur les populations d’oiseaux, en particulier les puffins et pétrels. Pour gérer cette problématique, il est indispensable de s’attaquer aux racines du problème, et c’est cela l’objectif du programme Pollux, porté par l’OEIL, et que notre association soutient et accompagne.»

Une étude, pour quoi faire?

Fin 2022, le projet aura permis de faire un état des connaissances, de décrire l’état de la pollution lumineuse dans le pays, de formuler des recommandations de mesures de gestion, et de sensibiliser les décideurs ainsi que le grand public à cette problématique.

 «Avec cette étude, on pose le cadre préalable à l’intégration de la pollution lumineuse dans les politiques publiques. On est au carrefour des enjeux environnementaux, d’aménagement du territoire et de sobriété de la consommation énergétique», poursuit Anne Lataste, «c’est en cela que ce travail, qui peut paraître loin des priorités actuelles, est en vérité fondamental».

Il s’agit peut-être pour la Nouvelle-Calédonie de l’occasion de s’inscrire dans la mouvance internationale, à l’heure où l’on parle ailleurs dans le monde de labels internationaux tels que les Réserves Internationales de Ciel Etoilé (RICE), ou encore les trames noires qui viennent compléter en France les notions de trames vertes et bleues initiées par l’Office Français de la Biodiversité (OFB).

Quelles sont les sources de données utilisées pour le projet Pollux NC?

En premier lieu, les données gratuites des satellites de la Nasa: avec un niveau de précision grossier, une carte de la pollution lumineuse à l’échelle du territoire sera produite.

L’image ci-dessous correspond à la carte 2015 des émissions lumineuses en Nouvelle-Calédonie obtenues grâce aux données satellitaires du capteur VIIRS – ©World Atlas 2015

L’image ci-dessous correspond a la carte 2020 des émissions lumineuses en Nouvelle-Calédonie obtenue grâce aux données satellitaires du capteur VIIRS – Sources : Pollux NC / OEIL, Nasa

En second lieu, l’acquisition d’images satellites à très haute définition: une analyse fine sera produite sur les sites pilotes sélectionnés par le comité de pilotage: la zone urbaine de Païta – Dumbea – Mont-Dore et, grâce aux contributions complémentaires respectives de la SCO et de la municipalité de Nouméa, les zones de Kaala-Gomen / Koumac en province Nord, ainsi que de la ville de Nouméa.

En troisième lieu, des capteurs au sol: le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et la société Dark Sky Lab ont proposé à l’OEIL un partenariat afin de déployer à divers endroits du territoire des sondes NINOX, une technologie capable de mesurer le niveau d’obscurité du ciel nocturne tout au long de la nuit. Le projet Pollux NC pourra ainsi bénéficier de ces données complémentaires, tout en contribuant à faire avancer la recherche.

Un an après son démarrage, comment avance le projet Pollux NC?

Le projet suit son cours selon le planning établi et la plupart des tâches préalables à l’analyse ont pu être réalisées: la synthèse bibliographique sur les connaissances de la communauté scientifique sur la pollution lumineuse en Nouvelle-Calédonie et dans le monde a été réalisée et les acquisitions d’images satellites ont pu être faites en grande partie « malgré des conditions météorologiques rendues difficiles par le phénomène La Niña », précise Adrien Bertaud, responsable du pôle environnement de l’OEIL et chef de projet Pollux NC. « Cela nous a inquiétés quelques mois quant à notre capacité à avoir des images de bonne qualité, et il nous en manque encore une partie mais nous ne désespérons pas ».

Par ailleurs, les sondes au sol NINOX de mesure de l’obscurité des cycles de nuit ont été déployées en divers endroits du territoire. Leurs données doivent désormais être analysées et apporter une information complémentaire aux images satellitaires.

« Je pense que la plus grande réussite du projet Pollux NC à ce jour, avant même qu’il produise ses résultats, est l’intérêt qu’il suscite ! Pollux a pu être lancé grâce au soutien du programme BEST2.0+ de l’Union Européenne, et nous nous en réjouissons, mais a aussi pris une tout autre dimension par l’engagement fort de la Société Calédonienne d’Ornithologie (SCO) ou de la ville de Nouméa, qui n’était pas prévus, et c’est très encourageant », commente Fabien Albouy, le directeur de l’OEIL.

En effet, grâce à une approche collaborative, le projet implique l’ensemble des acteurs concernés et volontaires au sein de son comité de pilotage, constitué dès le lancement. « J’ajouterais que nous recevons régulièrement des sollicitations spontanées de scientifiques ailleurs dans le monde, de la presse locale ou encore d’autres acteurs comme l’Association Calédonienne d’Astronomie qui est rentrée dans le comité de pilotage. Nous avons vraiment la sensation que ce projet était attendu. », conclue Anne Lataste.

Pour en savoir plus:

Rendez-vous sur la page de présentation du projet : www.oeil.nc/page/pollux-nc
Visionnez ici l’épisode de Caledinno sur Nouvelle-Calédonie la 1ère.